Question encore plus importante: où allons-nous trouver des travailleurs spécialisés?
Au Canada, on prévoit une pénurie possible d’un million de travailleurs spécialisés d’ici 2020, principalement en raison du vieillissement de la population et du déclin dans les naissances. La génération du baby-boom se prépare à la retraite. Les générations suivantes ne sont simplement pas assez nombreuses pour remplir les postes vacants.
Me croiriez-vous si je vous disais que les employeurs ont indiqué que les postes dans les métiers spécialisés étaient les plus difficiles à pourvoir de nos jours au Canada? Les ingénieurs figurent au sixième rang de cette liste1. La situation est la même aux États-Unis.
Les politiciens nous disent que nous nous dirigeons vers une «économie du savoir». C’est peut-être vrai, mais rien n’empêche que les compétences dans les métiers spécialisés sont actuellement en demande, et qu’elles le seront de plus en plus au cours de la prochaine décennie.
Environ 40 % des nouveaux emplois créés au pays au cours des prochaines années seront dans les secteurs des métiers spécialisés et de la technologie — le double du pourcentage de 1998, selon Compétences Canada.
L’âge moyen d’un travailleur spécialisé au Canada était de 40 en 2007. C’était quatre ans de plus qu’en 1987. Cet âge était même plus avancé dans certains domaines de travail. Il atteignait 50 ans chez les poseurs de cadrages et finisseurs et 56 ans chez les soudeurs. Même si la plupart des travailleurs spécialisés prennent maintenant leur retraite plus tard, il est facile de voir où la tendance nous mène.
Depuis plus d’une décennie, les collèges, associations professionnelles et gouvernements tentent de corriger le tir et d’attirer plus de jeunes dans les métiers spécialisés. Toutefois, pour ce faire, il faut défaire quelques idées fausses. Il faut faire plus pour la survie de notre industrie.
Des études ont démontré que les jeunes envisagent souvent les métiers spécialisés, mais que leurs parents, leurs professeurs et leurs amis les dissuadent de prendre cette voie en perpétuant les préjugés qui y sont associés.
Selon un récent sondage du Forum canadien sur l’apprentissage et de Compétences Canada effectué par Ipsos-Reid :
- 42 % des jeunes Canadiens disent être peu enclins à envisager une carrière dans les métiers spécialisés;
- 67 % des jeunes et 55 % des adultes choisiraient l’université comme première option d’éducation postsecondaire;
- 26 % des jeunes disent pouvoir envisager une carrière dans les métiers spécialisés;
- 60 % des jeunes disent que leurs parents ne les ont pas encouragés à envisager une carrière dans les métiers spécialisés;
- 71 % des jeunes disent que les conseillers en orientation ne les ont pas encouragés à envisager une carrière dans les métiers spécialisés.
Nous devons corriger l’habitude que bon nombre ont prise de dévaloriser l’apprentissage des métiers spécialisés, les formations d’apprenti et l’éducation collégiale. Commençons par examiner (et corriger) quelques mythes et idées fausses sur les carrières dans les métiers spécialisés :
Mythe no 1 – Il y a plus de perspectives d’emploi pour les diplômés universitaires : La pénurie de compétences prévue indique le contraire. En fait, depuis les années 90, même quand la récession frappe fort, l’emploi dans les métiers spécialisés croît légèrement plus rapidement que l’emploi dans les autres domaines, selon Statistique Canada.
Mythe no 2 – Une expérience universitaire rapporte plus d’argent : Les revenus de quelques professionnels formés à l’université — comme les médecins et les avocats — peuvent gonfler les revenus de tous les diplômés universitaires, ce qui explique le mythe. Toutefois, la vérité est que les études suggèrent que, d’un bout à l’autre du Canada, les travailleurs spécialisés gagnent généralement environ 6 % de plus que la moyenne nationale, tous métiers confondus2 (ce qui inclut les médecins).
En plus de gagner plus que la moyenne des gens, la plupart des travailleurs spécialisés n’ont pas à porter le fardeau d’une dette étudiante parce que leur formation d’apprenti est souvent payée.
Mythe no 3 – Les jeunes intelligents vont à l’université : C’est un des plus grands mythes perpétués. De nos jours, les travailleurs spécialisés ont recours à des techniques évoluées et utilisent des technologies de pointe pour faire leur travail. Pour réussir dans les métiers spécialisés, il faut de solides connaissances de base en mathématiques, des compétences analytiques, un bon niveau de littératie, la capacité de résoudre des problèmes complexes et celle de comprendre et d’analyser d’innombrables situations.
Les travailleurs spécialisés sont nombreux à avoir une éducation postsecondaire. En fait, les gouvernements provinciaux établissent des normes qui font que l’éducation postsecondaire est plus courante dans certains métiers spécialisés (comme la plomberie) que dans la population en général.
Mythe no 4 – Les métiers spécialisés sont réservés aux hommes : Il est vrai que la plupart des travailleurs spécialisés sont actuellement des hommes (97 % en 2007). Néanmoins, il est absolument faux de dire que les métiers spécialisés leur sont réservés. On a déjà dit la même chose de la présence des femmes dans les domaines de la science et de la technologie. Ce préjugé existe, mais nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour l’éliminer. Ce type de pensée rétrograde ne peut évidemment pas nous faire avancer dans les années à venir.
Voici le défi que je vous lance: demandez à vos fils et à vos filles s’ils ont déjà envisagé une carrière dans les métiers spécialisés? Si non, ils le devraient. Un bon ami travaillant dans le domaine de la construction m’a récemment dit à ce sujet: «Les travailleurs spécialisés de demain gagneront les salaires des médecins d’aujourd’hui». Les possibilités qui se présenteront aux entrepreneurs dans le secteur des métiers spécialisés au cours des prochaines décennies sont stupéfiantes. Je parie que c’est là où l’argent se trouvera dans un avenir rapproché.
Références